Dans les archives : des dompteurs tués par un ours à Flers (Orne)
Un couple de dompteurs avait été tué par un ours lors d’une représentation sur le champ de foire de Flers (Orne), en 1892. Un fait divers qui avait marqué les Flériens.
![]() |
Le couple Mars et ses enfants vers 1890 |
Un terrible fait divers est survenu sur le champ de foire de Flers (Orne), vendredi 26 août 1892. Un couple de dompteurs a été attaqué par un ours en pleine représentation. Ils mourront des suites de leurs blessures.
Ce drame avait profondément marqué la population de Flers et la communauté des forains. Plus de 120 ans après, cette histoire a été oubliée. Le service des archives de la médiathèque du pays de Flers a retrouvé des documents dans les journaux de l’époque.
Ce 26 août 1892, Rémy et Marie Elisa Mars ont installé leur ménagerie sur le champ de foire de Flers à l’occasion de la foire annuelle, la Saint-Gilles.
« L’un des clous du programme était un numéro de deux énormes ours bruns de Russie », écrit Henry Thétard dans son livre paru en 1928, Les dompteurs ou la ménagerie des origines à nos jours.
Panique parmi les spectateurs
Marie Elisa Mars vient d’entrer dans la cage lorsque l’un des deux animaux « passe derrière [elle] et d’un coup d’épaule l’envoie rouler au fond de la cage », rapporte dans ses colonnes le journal local. Le plantigrade se précipite vers elle « la prend dans ses pattes, et comme fait un enfant d’un jouet, il la jette au plafond et la promène deux ou trois fois dans la longueur de la cage, tout en lui enfonçant ses griffes dans le dos et dans la poitrine ».
Aussitôt, c’est la panique parmi les spectateurs dont plusieurs sortent« précipitamment ».
Rémy Mars entre dans la cage pour protéger sa femme mais l’ours se jette sur lui et le mord à la cuisse et au pied.
Le fils entre à son tour « et à l’aide d’un poignard frappe l’animal qui ne veut pas lâcher ses victimes ». L’ours « de 500 livres » est finalement abattu par le dompteur Bonnefous.
Averti du danger par les cris du public, [il] entre dans la ménagerie Mars et à travers les barreaux de la cage tire à bout portant un coup de fusil sur l’ours qui tombe foudroyé.
Dans les rues de Flers la rumeur se répand qu’un lion s’est échappé de sa cage.« Toutes les baraques se ferment, nombre de promeneurs s’esquivent, si bien que par les rues, il était neuf heures et demie, on voyait des gens effrayés, se sauvant, propageant ce faux bruit de la fuite d’un lion, jusqu’à ce que d’autres moins emballés soient venus dans tous les quartiers rétablir les faits », rapporte le journal local.
Une cinquantaine de blessures
La dompteuse est très grièvement blessée. Pourtant, les premières nouvelles sont rassurantes.
Les blessures de Mme Mars […] sont profondes et nombreuses, près d’une cinquantaine ; néanmoins, jusqu’ici aucun organe essentiel ne paraît être atteint, et il est permis d’espérer la guérison.
Le lendemain matin, on juge même son état « stationnaire ». Rémy Mars, quant à lui souffre de « deux blessures graves à la cuisse et au pied ».
La ménagerie envisage de poursuivre le samedi. Le fils âgé de 16 ans « se propose de remplacer sa mère et d’entrer dans les cages […] si son père peut être transporté à la caisse ».
Il n’y aura pas d’autres représentations. Le samedi soir, Marie Elisa Mars décède. Elle sera inhumée le lundi suivant « au milieu d’un concours considérable de la population de Flers, très impressionnée par ce triste événement ». Le maire de Flers, Claudius Duperron, assiste aux obsèques, aux côtés des forains « dont les établissements sont restés toute la journée fermés en signe de deuil ».
Pendant la cérémonie, Rémy Mars succombe à ses blessures.
Une gangrène générale de toute la cuisse jusqu’au genou et d’une partie du ventre s’était produite, ne laissant aucun espoir.
Son inhumation a lieu le lendemain « au milieu d’une foule aussi compacte que la veille ».
Un an plus tard, un monument est inauguré au cimetière de Flers en présence d’une« foule nombreuse d’habitants de Flers », écrit Le Journal de Flers dans son édition du 30 août 1893.
Forains et Flériens main dans la main
Le représentant du syndicat des forains rend un hommage poignant au couple. « Le drame de Flers, comme on l’a appelé, restera longtemps dans nos mémoires ; mais le souvenir des victimes vivra aussi dans nos cœurs car il nous rappellera des amis regrettés, d’honnêtes travailleurs tombés sur ce champ de bataille du travail qui en vaut bien un autre », s’exprime-t-il. Et de poursuivre, « ce souvenir laissera dans nos cœurs une non moins immense consolation ; il nous rappellera qu’une population toute entière […] n’a pas considéré les forains, ces gais oiseaux de passage, comme des parias ».
Le Dr Yver, 1er adjoint, qui avait prodigué les premiers soins au couple, conclura, au nom des habitants, que « les forains trouveront toujours à Flers, la plus cordiale réception ».
Aujourd’hui, il ne reste plus de trace de ce monument à Flers.
M. M.
Source l'Orne Combattante